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Folivora Sonora

Au milieu de nulle part (12/04/2005)

30 Juin 2015 , Rédigé par edobeing Publié dans #Interviews

Publié le 7 mars 2009 par Exq

Le rendez-vous était donné dans un minuscule village des Ardennes liégeoises, dans le seul café de l’endroit. Sensation étrange de se retrouver là à parler d’Exquisite Delight of Being sur un fond d’accordéons et de radio locale improbable.
C’est avec Sylvie que j’ai rendez-vous, elle m’accueille chaleureusement, ce à quoi je ne m’attendais pas. Après un bon café – Sylvie préfère la trappiste – l’interview peut commence
r.

Q : La première question est évidente : pourquoi cultiver un tel mystère ?
S : Cela vient en grande partie de la timidité maladive dont F souffrait plus jeune. Plus tard, lorsque je l’ai rencontré et que le projet a pris plus d’ampleur, on s’est dit que la meilleure façon de rester indépendant, c’est de ne donner aucune information.
Q : Cela réduisait beaucoup vos chances d’être connus.
S : Ce n’était pas du tout important et cela ne l’est toujours pas. Nous ne sommes pas des stars, nous vendons très peu de disques, nous fuyons les médias, aussi indépendants soient-ils. L’important, c’est de faire vivre Exquisite, c’est notre plaisir de faire cette musique, peu importe si nous ne jouerons jamais dans des salles prestigieuses, on s’en fout.
Q : Tout de même, on se demande comment vous durez, vous avez forcément des frais…
S : Et bien, on paie, comme tout le monde ! Simplement, le fait de faire tout soi-même est déjà une grosse économie, cela nous permet de ne pas payer d’intermédiaire et de ne pas gaspiller l’argent du groupe. Tout est réinvesti dans le groupe, ce qui peut expliquer l’importance de notre matériel. Il y a également beaucoup de débrouille : la majorité de notre matériel, c’est de la récup, c’est de la seconde main, on fouille les petites annonces, e-bay, les brocantes, même ! Dernièrement, on a trouvé un Moog pour à peine 90 €, le gars ne savait pas ce qu’il vendait, c’est très bien pour nous…
Q : Qui décide dans le groupe ? Il semble que F soit, volontairement ou non, le grand chef.
S : C’est exagéré, mais il est vrai que E.D.O.B. est son enfant. Il n’est pas tyrannique, loin de là, mais il sait ce qu’il veut. Cependant, il n’impose jamais un morceau, quand quelqu’un trouve un truc mauvais, il le dit et on retravaille ou on abandonne, comme dans n’importe quel groupe. Il est vrai que F ne fait que cela, de la musique toujours et toujours, presque jour et nuit ; les répétitions se font donc souvent sur la base de ses trouvailles, mais il arrive également souvent que les autres en apportent. Pour ce dernier album, la moitié des morceaux ont été insufflés par Pierre.
Q : Comment se passe la composition ?
S : On part sur une base, une ligne de guitare, de basse ou d’autre chose et on développe. Parfois – assez souvent, d’ailleurs – F arrive avec le morceau tout fait. Mais souvent, au cours des répétitions, il évoluera, ce qui fera de lui un morceau collectif.
Q : Au début, F était seul avec ses machines. Comment s’est passé les rencontres et l’évolution musicale, d’une musique ultra-industrielle vers des structures plus rock ?
S : J’ai rencontré F par hasard lors d’une soirée. Je n’avais jamais rencontré quelqu’un de si distant, de si timide. On s’est malgré tout plu tout de suite. Ensuite, il m’a appris à jouer, puis on a fait « Flowers » à deux en utilisant moins d’électronique. Au fil du temps, ce sont ses amis qui ont intégré le groupe, le fait de pouvoir travailler sur des morceaux tous les jours est très motivant. « Opposition 7 » s’est fait avec Vincent déjà et avec John à la batterie.
Q : Est-ce là la cheville ouvrière du groupe ?
S : Oh non ! Tout les membres permanents sont importants et tout le monde participe. Cependant, les amis qui viennent apporter leurs nombreuses contributions sont pour nous des membres à part entière de E.D.O.B. Il n’y a pas de membre plus important qu’un autre. (Elle se reprend). F est peut-être une sorte de chef d’orchestre… Peut-être… Et encore… Non, je ne sais pas.
Q : Au niveau des textes, n’y a-t-il pas parfois des points de frictions ?
S : Pourquoi ?
Q : Certains textes sont très extrêmes…
S : Cela dépend des points de vue. Ils ne le sont pas pour nous. F s’autocensure beaucoup, quoi que tu en penses ! Il nous soumet toujours ses textes et il lui arrive de changer des choses, d’édulcorer certains propos. Ou alors, il fait semblant avec des termes qui lui sont propres. (Rires).
Q : Vous arrive-t-il d’en avoir assez ? Surtout lors d’une tournée ?
S : Jamais ! Et en même temps, on est heureux de rentrer chez soi à la fin de la tournée. Voyager est une des choses les plus agréables dans la vie, surtout quand c’est l’aventure. On n’est jamais sûr de rien, on ne sait pas toujours où on va dormir, certains organisateurs ne savent pas nous payer l’hôtel ni même nous loger, alors, on se débrouille. Et généralement, on se débrouille ! L’hôtel, c’est rare !
Q : Ne serait-ce pas plus facile justement de pouvoir disposer de certains relais pour faciliter ce genre de choses ?
S : C’est un peu une vue de l’esprit que de penser qu’avec une structure derrière nous, les choses se passeraient mieux. Nous côtoyons énormément de groupes qui ne peuvent pas trouver de label ou de distributeur. Des tas de groupes s’endettent dans l’espoir de se faire distribuer un jour. Le pressage et l’enregistrement leur coûte le maximum et la distribution internationale promise ne se fait que par mail order sur internet sans aucune promotion et les gens se retrouvent avec tous leurs disques sur les bras. De plus, il est de plus en plus difficile de se faire signer, les labels ne prennent plus aucun risque, la réédition de leur back catalogue en CD leur rapportent un maximum, pourquoi s’embêteraient-ils avec de nouveaux groupes ? Les labels indépendants se font de plus en plus rares, les vrais indépendants je veux dire. Et là aussi, les groupes sont souvent amenés à payer leur production. Pas toujours, mais souvent. Après, c’est vrai, il y a une certaine promo assurée, mais c’est faible, c’est avec peu de moyens. Nous préférons donc tout faire nous même, du début à la fin et ne dépendre de personne. La seule chose que nous ne pouvons pas faire, c’est le pressage, les machines sont trop chères.
Q : Il y a pourtant beaucoup de nouveaux groupes qui voient le jour et connaissent un certains succès.
S : Oui, c’est vrai, des groupes ultra-formatés qui se ressemblent tous. Le problème, c’est que la musique devient un phénomène de mode où le journaliste voit tous les jours un groupe novateur ou précurseur. C’est un peu la presse qui fait la musique, c’est atroce. Ces groupes soit disant précurseurs ne font que remettre à la mode des sons d’autrefois et encore… Pour le moment, nous avons droit à une sorte de revival new-wave ou rock garage. Des trucs qu’on a entendu des millions de fois, sans aucune personnalité. Il est très facile de faire ce que le public attend, ce que des maisons disques attendent. Nous, nous savons que nous n’avons rien inventé, que nous puisons à droite et à gauche en faisant ce qui nous plaît, ce qui nous touche.
Q : C’est pour cela que vous ne voulez pas avoir à faire avec la presse, même indépendante ?
S : En partie. Nous n’avons pas le pouvoir ni la prétention d’interdire des articles sur nous, mais cela ne nous intéresse pas, nous ne cherchons pas à devenir connu à une grande échelle. La presse musicale est comme la presse d’information : elle ne fait pas son travail, mais lorgne paresseusement sur les titres et les sujets des concurrents, histoire de voir ce qui se vend et ne se vend pas. La presse ne cherche qu’une chose, faire de l’argent. C’est pour cela que la musique s’uniformise puisque la presse est la même, que ce soit les magazines ou les radios. Nous nous trouvons très confortablement installés dans notre petite bulle, nous n’avons pas envie d’en sortir.
Q : Au niveau des concerts, comment arrivez-vous, sans être connus, à attirer le public en ne dévoilant que deux ou trois jours à l’avance la date de vos concerts ?
S : Au début, nous jouions dans des endroits où nous savons que le public suivrait. Tu sais, ce genre d’endroit où tout le monde est là dès qu’il se passe quelque chose… Ensuite, il y a pas mal de bouche à oreille, nous jouons souvent aux mêmes endroits en ajoutant quelques places d’année en année. C’est très amusant. C’est très rafraîchissant aussi de se faire attendre quelque part. Bien sûr, il nous est déjà arrivé de jouer devant une poignée de spectateurs, mais ce n’est pas grave. Cette fois, pour certaines dates, celles-ci seront annoncées plus tôt car nous n’avons pas pu trouver d’arrangement avec les organisateurs. Ce n’est pas grave.
Q : La mise en scène reste toujours aussi importante ?
S : Toujours ! Nous aimons que la personne qui entre dans la salle de concert ne se retrouve pas comme elle a l’habitude de le faire avec les lumières allumées et un disque qui passe. Nous plongeons directement l’audience dans une salle sombre avec un fond sonore écrit par nous et des projections. Il faut que le concert débute dès l’entrée dans la salle du spectateur.
Pendant le concert, Greg passe les vidéos que F et Pierre ont faites, un peu à sa guise, mais le plus possible en accord avec la musique. Quant aux jeux de lumières, ils sont très importants aussi même s’ils doivent rester sobres. C’est important pour nous aussi de se retrouver dans une sorte de cocon sur scène. C’est primordial pour F…
Q : Les projections vidéos ne sont donc jamais deux fois les mêmes ?
S : Jamais. Lorsqu’on choisit les morceaux que nous jouerons, Greg choisi les images. Ce qui n’est pas simple puisque nous avons plus de 150 heures de films…
Q : L’engagement politique est-il très important chez vous ?
S : Il l’est, c’est vrai, mais nous ne sommes pas des portes drapeaux.
Q : Le nouvel album, « Non », a-t-il à voir avec la Constitution Européenne ?
S : (rires) Non !
Q : Projetez-vous d’autres sorties pour cette année ?
S : Rien ne se décide à l’avance, mais il est probable que quelque chose sorte, oui, nous avons encore des beaucoup de morceaux en boîte, mais qui auraient nui à l’homogénéité du disque. Sous quelle forme cela sortira, on n’en sait encore rien.
Q : La majorité de vos disques sont épuisés. Allez-vous en rééditer ?
S : Probablement pas, le pressage coûte très chers et nous ne touchons pas un public assez large. Un single ou l’autre n’est cependant pas exclu pour une réédition, mais pas un album. De plus, il existe une quantité astronomique de morceaux qui n’ont jamais été mis sur disques, des morceaux que F a composé seul ou avec Vincent ou avec moi. Ou encore avec Pierre, etc…
Q : Comme le triptyque « S.C.O.L. » ?
S : Oui, S.C.O.L., ce sont des morceaux très lo-fi composés et joués par F et Vincent uniquement. Ils en ont encore beaucoup en stock, mais je ne pense pas qu’ils sortirons un jour. Du mois, pas sous cette forme.
Q : Vous partez en tournée cet été, comme chaque été, d'ailleurs. Pourquoi l'été?

S: L'été est une période que nous apprécions beaucoup, c'est une saison qui nous calme, même si la chaleur est parfois difficile à supporter lors des déplacements. Mais on prend toujours notre temps, il n'y a jamais de stress, c'est très agréable. C'est une question de facilité aussi, on ne risque pas de se retrouver sur des routes enneigées et ce genre d'emmerdes. Tu vois, c'est purement pratique!

Q: Vous ne vous déplacez qu'en camionnette?

S: Oui. Quand nous jouons aux USA ou ailleurs, on en loue une sur place. C'est plus convivial et c'est surtout moins cher!

Q: Le dernier album sera donc en vente dans trois semaines, lors de votre concert à Bruxelles?

S: Oui, normalement. Nous n'avons pas encore terminé l'impression des pochettes pour les vinyls, mais tout sera prêt d'ici-là.

Q: Est-ce que vous pressez plus d'exemplaires aujourd'hui?

S: Cela dépend. Pour les vinyls, on presse généralement de 50 à 1000 maximum. Et puis, aujourd'hui, il y a les CD-R qui nous permettent d'enregistrer à la carte nos CD.

Q: Pourquoi parfois si peu?

S: Nous estimons parfois que certaines productions sont plus intimes et qu'elles ne nécessitent pas un pressage massif. Il nous arrive cependant, c'est rare, de represser quelques exemplaires.

Q: Alors, grande nouvelle, tu m'as parlé d'un album live...

S: Oui, un scoop! Pourtant, nous n'aimons pas les albums live. Généralement, c'est un produit marketing ou un disque qui sort parce qu'on n'a rien d'autre à faire. En fait, quand on écoute certains de nos enregistrements live - on enregistre abslolument tous nos concerts - on y trouve un autre énergie, et même parfois, des morceaux totalement différents. Alors, on s'est dit: "Pourquoi pas?" et on s'est laissé prendre au jeu. Ce live sera un de nos concerts de la prochaine tournée européenne. Ce ne seront pas des extraits de différents concerts, mais un seul concert. Chaque concert est différent, il serait idiot de mélanger les poires et les pommes.

Q: Avez-vous des lieux préférés?

S: Oh oui! Nous adorons l'Italie, nous y faisons plus de 35 dates cette année! Nous aimons également beaucoup la France. Mais les tournées, c'est différent des voyages normaux, on y découvre des gens intéressants, on est là pour jouer notre musique. Nous sommes rarement tombés en terrain hostile.

Q: C'est déjà arrivé?

S: Oui. Je me souviens d'une soirée horrible en Espagne. On jouait dans une espèce de station balnéaire en plein air. Non seulement la scène était grotesque, mais en plus, on était face à une bande de touriste qui s'attendait sûrement à un thé dansant. On n'a pas su faire de sound-check, il était impossible d'installer notre matériel vidéo et nos lumières. Bref, après trois morceaux, on a tout arrêté et on est reparti. Parfois aussi, on joue devant un public amorphe, c'est moins grave, on s'en tape un peu. On s'est également retrouvé devant des clubs fermés ou on s'est déjà fait vider par les flics parce qu'on avait dépassé l'heure... Ca arrive à tout les groupes, je pense. Mais généralement, maintenant, on rejoue souvent dans les mêmes endroits.

Q: Les Etats-Unis et le Japon, c'est différent?

S: Le Japon, je ne sais pas, on y va pour la première fois en janvier. Aux Etats-Unis, c'est très différents, c'est un autre mode de vie, mais le public est assez réceptif, nous n'y avons jamais eu de gros soucis. Le plus dur, c'est la bouffe et les flics omniprésents...

(A SUIVRE...)

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